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  • : Le royalisme providentialisme a beau tenir une place importante dans ma vie, il ne m'empêche pas de m'interesser à l'histoire connue - et celle plus cachée- de mon pays. L'humour a aussi sa place dans les pages mise en ligne.
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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 11:39

  CHANT DE LA MERCI

 

À tous ceux qui très loin sont captifs

Dans le silence ; aux âmes enchaînées

Par la longueur des muettes années

En nul ne sait quels abîmes plaintifs ;

À ceux dont l’ombre a tant de murs sur elle

Qu’ils n’ont jamais pu donner de nouvelle

De leur nuit noire aux gens qui sont dehors ;

Ceux pleins d’appels dont nulle voix ne sort,

Dont le secret cherche un mot qui l’emporte ;

Ceux dont le cœur bat sans trouver de porte,

À tous ceux-là - je ne sais pas combien -

Je viens. Je suis petit oiseau, je viens.

Je viens, je suis moucheron, un rien frêle.

Une aile. Et j’ouvre et je donne mon aile

Pour alléger leur épaule et mon chant

Pour délivrer mon âme à travers champs.

Je viens. J’ai pris dans leurs fers, à leur place,

Leur cœur en moi pour m’envoler avec.

Je suis le pleur jailli de leurs yeux secs,

Je souffre en eux, je lutte, je suis lasse,

J’ai faim. Je tremble en des rêves tout bas,

J’ai peur... Je suis ce que je ne suis pas,

Ce que je suis peut-être - jeune fille

Que le printemps entête et qui vacille

Avec ce cœur lourd de divin ennui

Qu’on ne peut pas porter seule - je suis

Celle blessée entre toutes qui pleure.

Et je serai les pauvres tout à l’heure.

Quand je suis eux je ne dors pas la nuit -

J’irai criant, pour qu’un cri nous soutienne,

Mes maux - les leurs - nos tâches, nos soucis

Avec leur bouche pauvre, pas la mienne.

Je serai vieille, veuve... morte aussi

Avec les morts. Je serai, quand la route

Fuit sous ses pieds, pâle, celui qui doute,

Tombe renversé dans le noir de Dieu

Et ne peut plus remonter au milieu

De ses dociles et douces prières.

Je serai lui - peut-être moi derrière,

Dans son abîme - Et peut-être, au bord bleu

Du Paradis, je serai sainte un peu

Pour ceux des saints emmêlés en ce monde

Les plus petits - dont la chantante foi

Veut s’envoler mais qui n’ont pas de voix.

Je viens, je suis, folle ou triste à la ronde,

Tous ceux qui sont...

 

Et quand je serai moi,

Moi toute seule, aride, sans génie,

Seule au lieu morne où la route est finie,

Seule au moment où le ciel obscurci

Ne s’ouvre plus ; quand, sans être entendue,

J’aurai ma voix et mes ailes perdues,

Déjà peut-être elles sont loin d’ici -

Quelqu’un viendra. Je l’attendrai dans l’ombre,

Un frère, un cœur entre les cœurs sans nombre,

Quelqu’un à moi viendra pour la Merci

Aider mon âme à se sauver aussi.

 

                                                    Marie Noël (1883 - 1967 †).

 

Origine du poême:

http://www.le-mort-qui-trompe.fr/article114

 

Et encore

http://www.marie-noel.asso.fr/

http://agora.qc.ca/Dossiers/Marie_Noel

 

 

 

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