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  • : Le royalisme providentialisme a beau tenir une place importante dans ma vie, il ne m'empêche pas de m'interesser à l'histoire connue - et celle plus cachée- de mon pays. L'humour a aussi sa place dans les pages mise en ligne.
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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 12:22

 

CHANT POUR André CHÉNIER (1774-1944)

par Robert  Brasillach

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Debout sur le lourd tombereau,

 

A travers Paris surchauffé,

 

Au front la pâleur des cachots,

 

Au coeur le dernier chant d'Orphée,

 

Tu t'en allais vers l'échafaud,

 

O mon frère au col dégrafé!

 

 

Dans la prison où les eaux suintent

 

Près de toi, les héros légers

 

Qui furent Tircis ou Aminte,

 

Riaient de ceux qui les jugeaient,

 

Refusaient le cri et la plainte,

 

Et souriaient aux noirs dangers.

 

 

La chandelle jetait aux murs

 

Leurs ombres comme à la dérive.

 

Les cartes et les jeux impurs

 

Animaient les jours qui se suivent,

 

Toi, tu rêvais d'un sort moins dur

 

Et chantais les jeunes captives.

 

 

Le soleil des îles de Grèce

 

Rayonnait au ciel pluvieux.

 

Perçait les fenêtres épaisses,

 

Et les filles aux beaux cheveux

 

Nageaient autour de toi sans cesse

 

Sur les vagues, avec les dieux.

 

 

Tu souhaitais dans les nuits noires

 

Une aube encor pour t'éclairer,

 

Pour pouvoir attendrir l'histoire

 

Sur tant de justes massacrés,

 

Pour embarquer sur ta mémoire

 

Tant de trésors prêts à sombrer.

 

 

 

Avec les flots de l'aventure,

 

A travers les jours variés,

 

Les heures vives ou obscures,

 

Un siècle et demi a passé.

 

La saison est encore moins sûre,

 

Voici le temps d'André Chénier.

 

 

Sur la prison fermée et pleine

 

Un monde encore a disparu.

 

O soleil noir de notre peine,

 

Une autre foule est dans la rue,

 

Comme dans la vieille semaine

 

Demandant toujours que l'on tue.

 

 

Dans la cellule où l'eau suinte

 

Un autre que toi reste assis,

 

Dédaigneux des cris et des plaintes,

 

Evoquant les bonheurs enfuis,

 

Et ranimant dans son enceinte,

 

Comme toi, les mers de jadis.

 

 

 

Au revers de quelque rempart,

 

Au fond des faubourgs de nos villes,

 

Près des murs dressés quelque part,

 

Les fusils des gardes mobiles

 

Abattent au jeu du hasard

 

Nos frères des guerres civiles.

 

 

J'entends dans les noirs corridors

 

Résonner des pas biens pareils

 

A ceux que tu entends encor

 

Jusque dans ton pâle sommeil,

 

Et comme toi le soir je dors

 

Avec en moi mon vrai soleil.

 

 

Près de nous tous, ressuscité,

 

Le coeur plein de justes colères,

 

Dans la nuit on t'entend monter,

 

Du fond de l'ombre froide et claire,

 

O frère des sanglants étés,

 

O sang trop pur des vieilles guerres

 


Et ceux que l'on mène au poteau,

 

Dans le petit matin glacé,

 

Au front la pâleur des cachots,

 

Au coeur le dernier chant d'Orphée,

 

Tu leur tends la main sans un mot,

 

O mon frère au col dégrafé...

 

                          15 novembre 1944.

Robert Brasillach  fut fusillé le 6 février 1945 au fort de Montrouge, à Arcueil (aujourd’hui Val-de-Marne).

André Chênier fut guillotiné à Paris le 7 Thermidor de l'an II (25 juillet 1794).

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