Il est décidemment écrit (mais où au fait ?) que l’ éducation n’est pas un long fleuve tranquille . Pour ceux qui en douteraient, une visite s’impose, celle du Rectorat de la toute jeune (par rapport aux autres, du moins) Académie où j’habite et qui ne remonte qu’à la fin des années (19)60.
Une très grande grille, très haute et terminée par des ornements très pointus le sépare sur toute sa longueur en façade de la rue voisine. Quant aux voies d’accès latérales, la possibilité des les utiliser en passant par les terrasses et toits plutôt bas des immeubles voisins a été rendue impossible par leur fortification à l’aide de chevaux de frise et fil de fer barbelé, qui, quoiqu’un peu plus récente, n’en est pas moins fort soignée.
Qui disait déjà qu’une nation qui a peur de ses enfants est sur une bien mauvaise pente?
Parmi les lubies qui secouent régulièrement ce grand corps malade qu’est devenue l’éducation (plus tellement) nationale (mais toujours assez) républicaine, celle-ci : « Il faudrait, de toute urgence supprimer les notes à l’école primaire pour sortir les enfants d’un carcan traumatisant ». De quoi vous faire regretter l’école primaire de la III e république, elle qui n’a jamais reculé devant les punitions ni devant les bons points, l’un n’allant d’ailleurs pas sans l’autre.
Les fondements de cette dernière bizarreté sinusoïdale « révèlent un étrange renversement de l’ordre des causes ; ce n’est pas parce qu’un élève est en difficulté qu’il a de mauvaises notes. c’est parce qu’il a de mauvaises notes qu’il est en difficulté. Les notes, en détruisant la brelle confiance du gamin, l’enfermeraient dans l’échec».
Ecrivant ceci, il me revient un souvenir, déjà assez ancien de ma carrière d’enseignant du supérieur . Le Doyen de ma Faculté de Droit , ayant appris que j’avais procédé à l’affichage des notes de mes étudiants, m’avait demandé d’y renoncer. Le ver était déjà dans le fruit, même si les fruits étaient nettement moins verts que ceux que l’on nous sert actuellement. Après cela, il ne faut pas s‘étonner qui si les pères ont mangé des raisins verts, les enfants en aient eu les dents agacées.
La menace est donc grave de voir remplacer les notes par les mentions (Si j’ose ainsi, ici, galvauder ce terme qui m’a si souvent motivé dans mes études supérieures) « Acquis, non acquis, ou en voie d’acquisition ». Il n’est qu’à peine plus rassurant de voir apparaître en complément (?) au titre des compétences acquises « prendre en considération le propos d’autrui » (NDLRB. IL est nécessaire à l’enfant d’avoir à sa disposition des certitudes) ou « être éduqué aux médias ».
A.T.
Origine.
Natacha Polony.
Le Figaro. 19 novembre 2010 p. 19.