.......
Si ne voy-je pourtant personne qui se pousse
Sur le haut de la breche et l'ennemy repousse,
Qui brave nous assault, et personne ne prend
La picque, et le rempart brusquement ne deffend :
Les peuples ont recours à la bonté celeste,
Et par priere à Dieu recommandent le reste,
Et sans jouer des mains demeurent ocieux :
Cependant les mutins se font victorieux.
............
Las ! pauvre France, helas ! comme une opinion
Diverse a corrompu ta premiere union !
Tes enfans, qui devroyent te garder, te travaillent,
Et pour un poil de bouc entre eulx mesmes bataillent,
Et comme reprouvez, d'un courage meschant
Contre ton estomac tournent le fer tranchant !
............
France, de ton malheur tu es cause en partie,
Je t'en ay par mes vers mille fois advertye,
Tu es marastre aux tiens, et mere aux estrangers,
Qui se mocquent de toy quand tu es aux dangers :
Car la plus grande part des estrangers obtiennent
Les biens qui à tes fils justement appartiennent.
Soyent aussi bons Chrestiens, et aussi vaillans qu'eux,
Plus grands que nulle envye : et qu'en paix eternelle
Ils puissent habiter leur maison paternelle.
Ou si quelque desastre, ou le cruel malheur
Les menace tous deux, jaloux de leur valeur,
Tourne sur les mutins la menace et l'injure,
Ou sur l'ignare chef du vulgaire parjure,
Ny digne du soleil, ny digne de tirer
L'air, qui nous faict la vie es poulmons respirer.
Pierre de Ronsard, Elégie sur les troubles d'Amboise (1560) -