Bordeaux, la vieille cloche de l’ancien beffroi communal vient de sonner 4 heures et quart. A Saint-Eloi blotti à ses pieds, le prêtre de permanence en ce samedi après-midi m’attend. Enfin il attend et comme c’est moi qui, en provenance des archives municipales, me hâte à travers les vieilles demeures du quartier Saint- James, il m’est toujours possible de penser que Dieu m’a donné rendez- vous comme la semaine dernière et comme, s’Il le veut bien la semaine prochaine.
Dans cette jolie ville, ce ne sont certes pas les hôtels particuliers des XV II e et XVII e qui manquent mais celui-là au début à gauche de la rue présente à mes yeux un intérêt supplémentaire, l’existence d’une table d’attente ainsi nommée parce que – justement- elle est en attente de la sculpture des armoiries du propriétaire.
Considérons la façade de cet hôtel particulier à la symétrie marquée par rapport au majestueux porche d’entrée caractéristique des immeubles de cette époque. A la hauteur de ce qui devrait bien être pour notre époque un premier et peut-être même une partie du deuxième étage la clef de voûte et encore au-dessus la table d’attente. Pour un amoureux de l’héraldique comme j’ai le bonheur d’être, la contemplation de ces barres de pierre brute sortant plus ou moins de la façade dans l’exacte mesure où elles doivent supporter des éléments plus ou moins en relief (charges de l’écu ou partition, couronnes, lambrequins …) des futures armoiries sculptées me ravit.
Certes, la survenance des temps mauvais issus de la révolution dite française, si elle a permis l’achèvement de l’hôtel, n’a pas permis que fusent sculptées les armoiries de son propriétaire bâtisseur là où elles
doivent être c’est-à-dire au mitan et au sommet du porche donnant accès à la cour d’honneur, cour forcément d’honneur, mais qu’importe, dans son état d’inachèvement, cet hôtel particulier témoigne déjà assez pour nos générations.
Il témoigne donc mais de quel témoignage au juste ? Cet hôtel particulier est la figure assez exacte de la France où nous vivons, l’hôtel est vide de ses habitants, mais sa majestueuse structure est, du moins, parvenu jusqu’à nous.
Qu’est ce qui nous empêcherait d’ailleurs au juste d’emménager dans cet hôtel ? Au demeurant, fort peu de chose, nous ne sommes justes pas d’accord sur les pièces que nous pourrions habiter. Certains affirment qu’ils étaient là les premiers, d’autres soutiennent que c’est bien justement parce qu’ils étaient là les derniers qu’ils ont les droits les plus solides à habiter en ces lieux.
Passons et revenons en à cette table d’attente.Quelles armes doit-on y faire figurer ? Ou de façon à peine moins allégorique si l’hôtel est la figure de la France, alors les armoiries en attente d’inscription dans la pierre sont celles du roi dont nous demandons à Dieu l’avènement.
Et c’est ici, pensez -vous peut-être que nous retrouvons la quadrature du cercle chère à nos mouvements royalistes : Quel roi demain pour la France ? le problème insoluble.
Qu’on nous permette deux courtes remarques à ce propos.
- La question de savoir quel sera le roi qui régnera demain sur la France est un véritable problème. Ceux qui considèrent aujourd’hui que Dieu ayant déjà fait son choix en la personne d’une famille , la question ne se pose pas s’illusionnent. Il est anormal que Dieu laisse le pays de Son fils aîné en République. S’il le fait, c’est qu’il attend de nous que nous changions de comportement. Faire comme si tout était normal, c’est justement ce qui est anormal.
- Ce n’est pas parce que nous n’avons pas la solution d’un problème qu’il le faut considérer ipso facto comme insoluble. Remettre sa solution entre les mains de Dieu mettra de toute façon fin à cette insolubilité relative.
Pour autant, ce n’est pas parce qu’i n’appartient qu’à Dieu de désigner qui sera Son Lieutenant en terre de France que nous n’avons rien à faire. Attendre les bras croisés et même attendre les mains jointes que Dieu nous envoie un roi tout rôti dans le bec, si l’on ose s’exprimer ainsi, n’est plus du providentialisme mais du quiétisme, ce qui n’est pas la même chose. Comme le dit la Charte de Fontevrault depuis le jeudi 25 août 1988, nous devons prier comme si tout dépendait de Dieu et agir comme si tout dépendait de nous
C’est en admirant les barres de pierre brute de la table d’attente sortant plus ou moins de la façade dans l’exacte mesure où elles doivent supporter des éléments plus ou moins en relief que les réflexions que je viens de rappeler se sont faites jour. Même si nous ne savons pas quelles seront les armoiries que sculptera le Seigneur sur le porche d’entrée donnant accès au palais royal, nous avons du moins à enchâsser dans la façade les barres de pierre de différentes épaisseurs et chacune selon notre charisme.
Ce n’est pas rien et cela conditionne l’avenir ; imaginez que la barre que nous avons à poser ne le soit pas et c’est toute la sculpture définitive qui coure le risque d’être remise en cause. Au nom de tous ceux qui nous ont précédé et au nom de tous ceux qui nous suivrons, pouvons-nous nous permettre de courir un tel risque.
A Bordeaux, la vieille cloche de l’ancien beffroi communal vient de sonner 4 heures et demie. A Saint-Eloi blotti à ses pieds, le prêtre de permanence en ce samedi après-midi m’accueille.
« Bénissez moi Mon Père car j'ai péché
- Je n’ai pas pardonné les offenses commises par des royalistes servant un autre prince ou principe que le nôtre.
- J'ai tenté de faire primer ma volonté sur la vôtre s’agissant de savoir qui doit être Votre lieutenant sur le trône de France ».
Alain TEXIER.